Mr Philippe Thomas, www.heliciculture.net

Mr Thomas, qui êtes-vous, que faites-vous ?

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Le Blond des Flandres

Je suis un professeur de mathématiques à la retraite, passionné de l’élevage des escargots. J’ai commencé à élever mes premiers gastéropodes en 1980. Je fais partie comme on dit des pionniers de l’activité mais je suis resté amateur, pratiquant toujours d’un point de vue “expérimental”.

A l’époque, Internet n’existant pas, rencontrer un confrère pour partager ne devait pas être chose facile ?

Vous ne croyez pas si bien dire ! Mon premier contact, par courrier ‘ordinaire’, date de 1989, donc 9 ans après mes débuts. Quand Internet a commencé à se populariser, j’ai assez vite souhaité partager ma passion sous la forme d’un site.

A l’époque, la fin des années 1990, les techniques n’étaient pas très connues, les Facebook, Twitter ou autre over-blogs n’existaient pas, il fallait se débrouiller. Mais quel bonheur le lendemain de la mise en ligne : le compteur indiquait 3 visites. Pensez donc, j’étais fou de joie ! Et presqu’aussitôt, le premier mail, en anglais, une américaine qui élevait des écrevisses…

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Philippe Thomas, éleveur depuis plus de 30 ans, responsable du site Heliciculture.net

 

Certains vous voient comme un scientifique, vous en pensez quoi ?

Il faut s’entendre sur le mot “scientifique”. Normalement, on dit de quelqu’un qu’il est un scientifique s’il travaille comme chercheur dans un centre comme le CNRS ou l’INRA, ou encore dans une Université, et qu’il est rémunéré pour sa “science”, qui se traduit par des publications d’articles dans les revues « scientifiques ». Ce n’est pas mon cas. Par contre j’essaye, comme un scientifique, à mon niveau, d’avoir une approche rigoureuse dans les observations, de ne pas me contenter d’impressions, de m’appuyer sur des connaissances établies et de suivre si possible une démarche expérimentale, qu’on pourrait schématiser sous la forme : hypothèse – expérience – conclusion. Et en pratique, il y a beaucoup d’observations, beaucoup d’hypothèses, mais pas beaucoup de conclusions, car les expériences rigoureuses, probantes, sont difficiles à mettre en place…

Et la génétique, alors ?

La génétique est la science qui étudie la transmission d’informations d’une génération à l’autre, la transmission des « caractères ». Elle comporte des domaines très divers, de la génétique moléculaire qui s’intéresse à cette transmission au niveau très fin des processus chimiques au sein des cellules, et en particulier avec la molécule d’ADN, jusqu’à la génétique des populations qui se préoccupe des flux de gènes au sein de groupes plus ou moins vastes à l’aide de moyens statistiques.

L’éleveur, le sélectionneur, sera davantage concerné par la génétique quantitative qui étudie la transmission des caractères mesurables, chiffrables, comme la taille, le poids, la vitesse de croissance, etc. Ces caractères concernent souvent beaucoup de gènes, non individualisés, et les méthodes sont là aussi essentiellement statistiques.

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J’ai fait des études de mathématiques, ça aide pour les statistiques, mais pas de génétique

J’ai fait des études de mathématiques, ça aide pour les statistiques, mais pas de génétique. Heureusement la passion conduit à s’informer, à chercher toujours plus. Même si ça ne vaut pas des études en bonne et due forme, loin de là, il existe des livres très bien faits, des cours sont disponibles sur Internet, et l’élevage fournit les « travaux pratiques ».

Mais attention, la sélection de variétés de plantes ou de races animales a commencé avec les débuts de l’agriculture, longtemps, bien longtemps avant que l’on parle de génétique. Il suffit de penser à la domestication du blé ou du chien, il s’agissait déjà de formidables travaux de sélection. On peut toujours aujourd’hui faire de la sélection sans connaissances en génétique, mais c’est un peu comme conduire une voiture sans rien connaitre à son moteur, on peut s’engager sur des routes où ça ne passera pas. Lorsqu’un héliciculteur choisit dans ses parcs les reproducteurs pour la saison suivante, il fait de la sélection.

J’ai malheureusement le sentiment que le mot génétique fait peur à beaucoup d’éleveurs, comme si des connaissances pouvaient être néfastes en elles même. Je me suis aperçu qu’il évoquait même pour certains l’apprenti sorcier, ou des manipulations terribles, diaboliques. D’où l’importance à préciser et je vous en remercie d’avance sur votre reportage que l’Escargot Blond des Flandres n’est nullement le résultat de techniques de laboratoire, de manipulations du genre “OGM”.

J’ai obtenu ce résultat et cette qualité de produit (j’espère) à force de patience et d’observations, par sélection et croisements, de façon tout à fait traditionnelle. En choisissant simplement certains escargots plutôt que d’autres, au fil des générations.

Mais pourquoi faites-vous reproduire vos escargots par couples, je n’ai jamais vu ça dans d’autres élevages ?

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Dans un élevage classique, des escargots pratiquement du même âge, sont placés par dizaines de milliers dans des grands parcs où ils seront tous ramassés au bout de 4 à 6 mois. C’est la situation idéale pour pratiquer une sélection « massale », c’est-à-dire choisir les futurs reproducteurs dans la « masse » de la production. Ce type de sélection, individuelle, nécessite de ne travailler que sur des caractères qui sont observables sur l’individu, comme la taille, la conformité de la coquille, éventuellement la couleur, et sous réserve de rester sur des grands nombres. Impossible de considérer des qualités de reproduction, ou même d’âge bordé de façon fine.

Pour les caractères liés à la reproduction, la seule information disponible sur un individu avant la reproduction elle-même, en pratique, est la qualité de reproduction de ses parents, qu’il faut donc connaître. Autrement dit, on passe à une sélection de type familial. Par ailleurs si on veut observer soigneusement un maximum de choses, il faut diminuer très nettement l’effectif observé, et sur une petite population il faut absolument gérer la parenté des individus, leur consanguinité, donc connaitre leur généalogie.

C’est pourquoi mes reproducteurs sont tous identifiés, numérotés, et qu’ils sont « mariés » par mes soins avec le partenaire désigné, avant tout autre accouplement et sans leur demander leur avis !!!

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Une ponte d’escargot

 

Chaque ponte est identifiée et suivie individuellement

Pour vous, l’escargot est un plat que l’on doit consommer du lundi au dimanche ?

L’escargot est un produit de fête, réservé à un moment de fêtes ou à un moment de partage en famille, entre amis. La joie en quelque sorte d’être ensemble. C’est un mets qu’il faut mettre à l’honneur et quitte à en manger moins souvent il faut en manger du bon, en passant par un héliciculteur, il y en a forcément un près de chez soi, en France.

Une recette pour nos lecteurs ?

Voici la vedette du moment à la maison : deux ou trois petites chairs cuites d’escargots sur une tranche de camembert coupée dans l’épaisseur, le tout enveloppé dans une feuille de brick pliée en triangle (en samoussa), que l’on passe à la poêle. Un régal ! Recette découverte aux portes ouvertes de l’Escargot du Pâtis, en Mayenne.

Mr Thomas, c’est un honneur pour moi que vous avoir en reportage sur ce site,

Je reste persuadé que c’est grâce à vos pages postées sur le web d’hier qu’aujourd’hui encore certains se sont dit un jour : “pourquoi pas moi ?” et ont franchi le pas.

J’invite donc sans tarder l’internaute à découvrir votre univers en cliquant sur le lien ci-après : www.heliciculture.net

 

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Denis

Passionné par l'héliciculture et tout ce qui s'y rapporte, je parcours la France à la recherche de producteurs, de cuisiniers et de chefs afin de vous apporter les meilleurs produits et recettes.